CODE DE DÉONTOLOGIE DES INTERPRÈTES ET DES TRADUCTEURS EMPLOYÉS PAR LE TRIBUNAL PÉNAL INTERNATIONAL POUR L’EX-YOUGOSLAVIE
PRÉAMBULE
Le présent Code s’inspire des principes fondamentaux suivants :
1. En tant qu’employés du Tribunal, les interprètes et les traducteurs doivent se conformer à des règles de déontologie rigoureuses.
2. Dans l’exercice de leurs fonctions, les interprètes et les traducteurs doivent faire preuve de fidélité, d’indépendance, d’impartialité et respecter pleinement le devoir de confidentialité.
3. Restant tenus vis-à-vis du Tribunal après l’expiration ou la résiliation du contrat qui les lie à celui-ci, les interprètes et les traducteurs peuvent avoir à répondre de tout manquement, notamment par le biais de leurs associations professionnelles nationales ou internationales respectives. Ils doivent donc être conscients de leurs devoirs et responsabilités.
Le présent Code et ses dispositions ont été élaborés à cet effet.
INTRODUCTION
Article premier
Définitions
1. Aux fins du présent Code et à moins que ses dispositions ou le contexte n’en disposent autrement, les expressions suivantes signifient :
"CLSS" la Section des services linguistiques et de conférence du Tribunal.
"Interprètes" les personnes employées par le Tribunal :
a) sous contrat à durée déterminée, qui interprètent en simultané les audiences tenues dans les prétoires du Tribunal ;
b) sous contrat de courte durée ou dans le cadre d’un accord pour services spéciaux, à l’occasion de missions sur le terrain, hors du siège du Tribunal à La Haye ou à l’occasion de prestations rendues hors des prétoires du Tribunal ;
c) sous contrat de courte durée, afin de renforcer les équipes d’interprétation du Tribunal qui assurent l’interprétation simultanée des audiences se tenant dans les prétoires du Tribunal.
"Traducteurs" les personnes employées par le Tribunal :
a) sous contrat à durée déterminée, qui traduisent par écrit les documents communiqués à la CLSS ;
b) sous contrat de courte durée, qui traduisent par écrit, chez eux, des documents à usage du Tribunal.
"Tribunal" le Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991, par le Conseil de Sécurité aux termes de la résolution 827 du 25 mai 1993.
2. Le présent Code doit être interprété et appliqué de façon à défendre au mieux les objectifs et les valeurs affirmés dans le préambule.
3. Les dispositions générales du présent Code ne doivent pas être interprétées ou appliquées de manière restrictive en raison de dispositions particulières ou pratiques.
4. Aux fins du présent Code, l’emploi du masculin et du singulier comprend le féminin et le pluriel et inversement.
Article 2
Entrée en vigueur
Le présent Code prend effet le vingt-six février 1999.
Article 3
Objectif général et application
1. L’objectif général du présent Code est d’établir des règles de déontologie obligatoires à l’intention des interprètes et des traducteurs employés par le Tribunal.
2. Le présent Code s’applique aux interprètes et aux traducteurs, tel que définis au paragraphe 1 de l’article premier.
3. Outre le présent Code, les interprètes et les traducteurs sont également liés par les dispositions du Règlement du personnel des Nations Unies et les instructions administratives qu’il contient.
DÉONTOLOGIE
Article 4
Règles de conduite
1. Les interprètes et les traducteurs se comportent en toute circonstance avec courtoisie, politesse et dignité.
2. Les interprètes gardent en toute circonstance une attitude professionnelle dans leurs rapports avec les juges, les auxiliaires de justice, les témoins, les juristes et autres personnes présentes en salle d’audience. Ils s’efforcent de toujours faire preuve de réserve professionnelle.
Article 5
Intégrité et dignité professionnelles
1. Les interprètes et les traducteurs s’acquittent de leurs tâches sans se laisser guider par un intérêt d’ordre personnel ou autre.
2. Dans l’exercice de leurs fonctions, les interprètes et les traducteurs ne sollicitent ni n’acceptent aucune gratification ou rémunération, aucun bénéfice ou avantage quels qu’ils soient.
3. Les interprètes et les traducteurs n’exercent ni pouvoir ni influence sur leurs auditeurs ou leurs lecteurs.
4. Les interprètes et les traducteurs conservent en toute circonstance leur intégrité et leur indépendance.
Article 6
Fiabilité
1. Les interprètes et les traducteurs respectent les horaires et les délais prévus ; s’ils ne le peuvent pas, ils en informent leur supérieur, afin que les mesures nécessaires soient entreprises.
2. Les interprètes travaillant en salle d’audience informent les Juges de tout doute découlant d’une éventuelle lacune lexicale dans la langue source ou dans la langue cible.
OBLIGATIONS GÉNÉRALES DES INTERPRÈTES ET DES TRADUCTEURS ENVERS LE TRIBUNAL
Article 7
Confidentialité
1. Obligations générales
a) Les interprètes et les traducteurs font preuve de la plus grande discrétion pour tout ce qui touche à leurs fonctions et ne communiquent en aucune circonstance aux médias ou à toute autre institution, personne, organisation gouvernementale ou non, ou à une autre autorité extérieure au Tribunal, des informations qui n’ont pas été rendues publiques et dont ils ont eu connaissance dans le cadre de leurs fonctions.
b) Les interprètes et les traducteurs ne communiquent à personne à l’intérieur du Tribunal une information qui leur a été transmise sous le sceau du secret, qu’ils connaissent en raison de leurs fonctions ou dont ils savent d’une autre manière qu’elle ne doit être communiquée à personne si ce n’est à ceux qui en ont besoin pour leur travail ou avec l’autorisation de leur supérieur.
c) Les documents traduits restent à tout moment propriété du Tribunal et les interprètes et les traducteurs ne les montrent ni les communiquent à des tiers qu’avec la permission expresse de leur supérieur ou sur ordre du Tribunal.
d) Les interprètes et les traducteurs ne discutent pas des affaires en instance devant le Tribunal, à l’exception des questions professionnelles concernant la CLSS.
e) Les interprètes et les traducteurs ne tirent aucun profit personnel ni aucun avantage des informations confidentielles auxquelles ils ont pu avoir accès dans l’exercice de leurs fonctions.
2. Partage de l’information
Lorsqu’un travail d’équipe est nécessaire et avec la permission de leur supérieur, les interprètes ou les traducteurs peuvent partager les informations pertinentes avec d’autres interprètes ou traducteurs de l’équipe chargée de ce travail. Dans ce cas, l’ensemble de l’équipe est tenu au secret.
3. Le secret professionnel protégeant les relations entre avocat et client
Les informations que les interprètes et les traducteurs ont pu retirer des consultations ou des communications entre des suspects ou des accusés et leurs représentants juridiques sont couvertes par la règle du secret professionnel protégeant les relations entre avocat et client et ne doivent être communiquées à personne sans le consentement exprès du suspect ou de l’accusé concerné et de son conseil.
4. Maintien des obligations
L’interprète et le traducteur restent tenus au secret après l’expiration ou la résiliation du contrat qui les lie au Tribunal.
Article 8
Impartialité
1. Les interprètes et les traducteurs sont tenus à l’impartialité la plus stricte dans l’exercice de leurs fonctions.
2. Les interprètes et les traducteurs ne donnent de conseils juridiques à personne, que la demande leur en soit faite ou non. Ils ne renvoient aucun suspect ou accusé auprès d’un conseil de la défense.
3. Les interprètes et les traducteurs révèlent à leur supérieur tout motif de conflit d’intérêts, réel ou apparent, qui surgit dans l’exercice de leurs fonctions.
APTITUDES
Article 9
Compétence
1. Degré de compétence
a) Les interprètes et les traducteurs n’acceptent que les tâches qu’ils sont en mesure d’effectuer avec compétence.
b) S’il apparaît aux interprètes et aux traducteurs que la tâche qui leur est assignée dépasse leurs capacités techniques ou linguistiques, ils proposent de mettre fin à leur engagement.
c) Les interprètes et les traducteurs veillent à ce que les conditions dans lesquelles ils travaillent facilitent la communication. Si des éléments extérieurs (notamment des problèmes techniques tels qu’une mauvaise qualité du son ou des photocopies illisibles) nuisent à la précision ou à l’exhaustivité de leur interprétation ou de leur traduction, ils en informent immédiatement leurs auditeurs ou leurs lecteurs.
2. Préparation
Les interprètes et les traducteurs s’informent à l’avance du travail que l’on attend d’eux durant leur prochaine mission et se préparent en conséquence.
Article 10
Exactitude
1. Justesse et exhaustivité
a) Les interprètes et les traducteurs restituent avec la plus grande fidélité, la plus grande précision et de manière entièrement neutre, les propos qu’ils interprètent ou traduisent.
b) Les interprètes transmettent l’intégralité du message, y compris les remarques vulgaires ou désobligeantes, les insultes et les éléments non verbaux tels que le ton et les émotions de l’orateur afin d’en faciliter la compréhension.
c) Les interprètes et les traducteurs ne se permettent aucun embellissement, aucune omission ni aucune modification dans leur travail.
d) Les interprètes et les traducteurs restituent fidèlement les erreurs ou les contrevérités flagrantes qu’ils peuvent relever.
2. Incertitudes liées à la transmission ou à la compréhension
a) Les interprètes et les traducteurs doivent reconnaître et rectifier sans délai toute erreur d’interprétation ou de traduction.
b) En cas d’incertitude, les interprètes et les traducteurs demandent à ce que le passage concerné soit répété, reformulé ou explicité.
3. Qualité de la transmission
Les interprètes s’assurent dans la mesure du possible qu’ils sont clairement entendus et compris par leurs auditeurs.
DEVOIRS ENVERS LEUR PROFESSION
Article 11
Perfectionnement professionnel
1. Amélioration
Les interprètes et les traducteurs entretiennent et améliorent constamment leur savoir-faire en interprétation et en traduction, développent leur connaissance de la procédure et du vocabulaire technique qu’ils peuvent rencontrer dans l’exercice de leurs fonctions.
2. Solidarité professionnelle
a) Il incombe aux interprètes et aux traducteurs de soutenir et d’encourager le perfectionnement professionnel de leurs collègues.
b) Dans la mesure du possible, les interprètes et les traducteurs doivent faire profiter leurs collègues de toute connaissance spécialisée qu’ils ont acquise et qui peut leur être utile dans l’exercice de leurs fonctions.